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Scandaleuse directive européenne du Secret des affaires :
Bruxelles favorise les multinationales et la fraude fiscale
et met en danger les lanceurs d'alerte et les médias - Avril 2016

Vidéo # 8372 en Français () insérée le Mercredi 27 Avril 2016 à 10h 28m 38s dans la catégorie "Politique, Démocratie, Libertés, et Altermondialisme"

Durée : 03 min 48 sec


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Secret des affaires: une dangereuse directive européenne :

Une coalition d’ONG des secteurs de la santé, de l'environnement, de la liberté d'expression ou encore de la liberté des travailleurs appelle à une plus grande protection des consommateurs, des journalistes, des lanceurs d’alerte, des chercheurs et des travailleurs – au contraire de ce que prévoit une directive adoptée par la Commission et les chefs d'État de gouvernement européens.

AMSTERDAM. – Nous nous opposons fermement à l’adoption hâtive par la Commission européenne et le Conseil européen d’une nouvelle Directive sur le Secret des Affaires en raison des dispositions qu’elle contient :

  • Une définition excessivement large du « secret des affaires » qui permet à une entreprise d’estimer que presque tout peut relever de cette qualification ;
  • Des recours juridiques aux contours très larges, pour défendre les entreprises dont les « secrets des affaires » ont été « obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite », en leur accordant tout un arsenal judiciaire incluant des mesures provisoires et conservatoires, des dommages et intérêts et des « droits au secret »;
  • Des garde-fous inadéquats qui ne garantiront pas aux consommateurs, aux journalistes, aux lanceurs d’alerte, aux chercheurs et aux travailleurs d’avoir accès à des données importantes qui relèvent de l’intérêt public.

La proposition doit être amendée pour garantir que seules les informations obtenues, utilisées et divulguées par des tiers à des fins commerciales soient protégées en application de la la Directive.

Plus particulièrement, nous partageons tous une grande inquiétude car, en application de cette proposition de directive :

  • La liberté d’expression et d’information est sérieusement menacée car la proposition de directive ne garantit pas la protection des journalistes et des lanceurs d’alerte. En application de la proposition de directive, les journalistes et les lanceurs d’alerte devront prouver que « l'obtention, l'utilisation ou la divulgation présumée du secret d'affaires ait été nécessaire à cette révélation et que le défendeur ait agi dans l'intérêt public ». Malheureusement, déterminer si la divulgation était ou non nécessaire ne peut bien souvent n’être apprécié qu’après coup. De plus, limiter le droit d’utiliser ou de divulguer des secrets d’affaires à la révélation d'une faute, d'une malversation ou à la protection d’un intérêt légitime permettrait d’appliquer des sanctions alors même que des informations relèvent du domaine public ; tel serait le cas pour des plans sociaux ou des menaces sur la santé et l’environnement. La proposition de directive doit être amendée pour exclure les informations obtenues, utilisées ou divulguées dans l’intérêt public.
  • La mobilité des travailleurs européens sera affectée. La proposition de directive risque de bloquer les travailleurs. Elle engendrera des situations dans lesquelles un employé préférera éviter de travailler dans le même domaine que son employeur précédent plutôt que risquer d’utiliser les compétences acquises auprès de lui et devoir ensuite être poursuivi et en payer le préjudice. Cela freinera les évolutions de carrières, ainsi que la mobilité professionnelle et géographique sur le marché du travail.
  • Les entreprises relevant des secteurs de la santé publique, de l’environnement et de la sécurité alimentaire pourront utiliser la directive pour refuser de se conformer aux politiques de transparence, même si l’intérêt public est en jeu. La proposition de directive devrait être amendée (1) pour garantir qu’elle ne couvre pas d’informations qui doivent, légalement (y compris en application du droit international), être révélées aux autorités publiques en vertu de l’accès public au droit à l’information et (2) que soient exclues les données réglementaires d’intérêt public nécessaires à l’examen public relevant des autorités de régulation.

Santé : Les entreprises de l’industrie pharmaceutique soutiennent que tous les aspects du développement clinique doivent être considérés comme relevant du secret des affaires ; cependant, l’accès aux données de recherches biomédicales par les autorités de régulation, les chercheurs, les docteurs, les patients – spécifiquement les données sur l’efficacité et les effets indésirables des médicaments – est essentiel pour protéger la sécurité des patients, mener des recherches approfondies et des analyses indépendantes. Ces informations permettent également d’éviter de dépenser les maigres ressources publiques pour des thérapies qui ne sont pas plus efficaces que les traitements existants, qui ne marchent pas, ou qui causent plus de mal que de bienfaits.

En outre, la divulgation de recherches pharmaceutiques est nécessaire pour éviter des essais cliniques sur des personnes contraires à l’éthique. La proposition de directive ne doit pas entraver les récents développements de l’Union européenne, qui ont permis d’augmenter la transparence et le partage de ces données.

Environnement : La directive doit être amendée afin d’être en conformité avec les obligations internationales imposées par l’Union européenne en vertu de la Convention d’Aarhus, qui empêche les autorités publiques de garder secrètes les informations sur des émissions dans l’environnement et exige une diffusion active des informations permettant aux consommateurs d’être informés des choix en matière d’environnement. Par conséquent, la définition du « secret des affaires » doit être amendée pour retirer du champ d’application de la proposition de directive, les informations sur les émissions et empêcher les entreprises d’utiliser la directive pour refuser de divulguer des informations sur des produits dangereux, tels que des produits chimiques contenus dans les plastiques, les vêtements, produits d’entretien et toute autre activité qui peut causer des dommages graves à l’environnement, à la santé humaine, y compris les informations concernant le déversement de produits chimiques et les fluides utilisés dans l’extraction des gaz de schistes.

Sécurité alimentaire : En vertu du droit européen, tous les produits alimentaires, OGM et pesticides, sont réglementés par l’Autorité européenne de sécurité des Aliments (EFSA). L’EFSA évalue les risques associés aux produits en se fondant sur les études toxicologiques effectuées par les fabricants eux mêmes. L’examen scientifique des évaluations de l’EFSA n’est possible que par un accès complet à ces études. Par conséquent, ces données doivent être exclues du champ de la directive.

Malgré la volonté de la Commission de trouver la « formule magique » qui permettrait à l’Europe de rester dans le jeu de l’innovation, si elle n’est pas amendée, cette Directive va rendre les recherches ouvertes et collaboratives plus difficiles dans l'Union européenne. En fait, les mesures et les recours prévus par la directive risquent de freiner les comportements de libre concurrence, voire de faciliter des pratiques anti-concurrentielles. A cet égard, il n’est guère surprenant que le texte de la Commission ait été élaboré en étroite collaboration avec des multinationales qui le soutiennent fermement.

En Europe comme aux États-Unis, des coalitions industrielles (unies au sein de la Coalition pour le secret des affaires et l'innovation) font pression pour qu'une protection du secret des affaires soit adoptée.

Aux États-Unis, deux nouveaux projets de loi sont en attente devant le Congrès. S’ils sont adoptés, ces textes permettront d'inclure la protection du secret des affaires dans le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) – en conséquence, il sera par la suite extrêmement compliqué d'abroger ce texte par des moyens démocratiques. Dans la mesure où l'on attend du TTIP qu’il établisse une nouvelle norme mondiale, la présence potentielle d'une protection du secret des affaires peut avoir des conséquences dévastatrices.

Nous insistons auprès du Conseil et du Parlement Européen pour qu’ils amendent la Directive, en limitant strictement la définition de ce qui peut constituer un secret des affaires et en renforçant les garanties et les exceptions pour s’assurer que les données d’intérêt public ne puissent pas être couvertes par le secret des affaires.

Le droit d’utiliser et de diffuser librement des informations doit être la règle, et la protection du secret des affaires l’exception.

Source : Mediapart.

Secret des affaires, la directive qui menace la liberté d’information :

C’est aujourd’hui que la directive « Secret des affaires » (#TradeSecrets) doit être examinée par la commission JURI, au Parlement européen.

Hier, lundi soir, Élise Lucet était sur le plateau du Grand Journal, accompagnée d’Édouard Perrin, journaliste pour l’émission Cash Investigation : c’est lui qui est notamment à l’origine du documentaire sur LuxLeaks (la révélation des montages financiers des grosses entreprises qui s’arrangent pour ne pas payer d’impôts en France). Il est poursuivi au Luxembourg pour violation du secret des affaires. C’est un cas emblématique de ce que cette directive permettra demain : poursuivre les lanceurs d’alerte et les journalistes plutôt que les entreprises aux pratiques illégales…

« Est-ce que la directive est applicable ? » demande Jean-Michel Aphatie, pour qui un scandale éclaterait si un juge venait à poursuivre un journaliste en le forçant à révéler sa source. La juriste de Cash Investigation, Virginie Marquet, lui répond que les entreprises tentent déjà d’empêcher la publication d’informations en menaçant de poursuites judiciaires ; mais demain, avec cette directive, elles auront un fondement légal solide pour demander des dommages et intérêts colossaux.

« C’est une question de démocratie »

Élise Lucet insiste : cette pétition, cette mobilisation, ce n’est pas une croisade contre les multinationales, ce n’est pas un défi lancé aux instances décisionnaires européennes, c’est la défense du droit d’informer :

« On n’est pas en train de défendre une petite corporation. On est juste en train de défendre le droit d’informer. Ce n’est pas une question de journalisme, c’est une question de démocratie. »

Constance Le Grip, membre de la commission, s’exprime via Skype dans le Grand Journal, et maintient que le texte de la directive ne vise qu’à protéger les entreprises contre l’espionnage industriel. Mais plus on creuse les mesures prévues, plus on note que les PME n’en sont pas la cible !

Sur le plateau, Élise Lucet a tenu à répondre à Constance Le Grip :

« Il ne faut surtout pas qu’elle prenne cette mobilisation, qui n’est pas un emballement médiatico-politique comme elle le dit, qui est une mobilisation des gens qui ont envie d’être informés.

Il faut juste qu’elle entende ce message, parce qu’elle est une représentante de la démocratie européenne. Or une représentante de la démocratie européenne doit entendre les électeurs, madame Constance Le Grip. Et par l’intermédiaire de cette pétition, des gens qui ont envie d’être informés sont en train de l’exprimer clairement. »

Madame Constance Le Grip : je vous confirme l’analyse d’Élise Lucet. On veut juste pouvoir être informé•e•s. Les grosses entreprises qui arrivent si bien à échapper aux réglementations fiscales des États sont aussi en mesure de se prémunir contre l’espionnage industriel. Et quand bien même : la protection de ces intérêts privés ne saurait justifier une menace aussi importante contre la liberté d’information, pilier essentiel de la démocratie.

« Qu’avez-vous à cacher ? »

La journaliste nous appelle à poser une question aux groupes industriels dont les intérêts doivent être protégés par la directive, et qui préparent certainement une contre-offensive de leur côté, en réponse à la contestation citoyenne :

« Alors que nous sommes des milliers à signer cette pétition, de leur côté les grandes multinationale doivent certainement préparer la contre-attaque et jouer de leurs connexions avec les membres de la commission JURI pour que ceux-ci ne répondent pas à notre appel et fassent passer la directive.

Nous avons une arme efficace : les réseaux sociaux. Utilisons donc Facebook et Twitter pour demander aux multinationales de ne pas faire pression en faveur de cette directive.

Pour ce faire, posons-leur la question : avez-vous quelque chose à cacher ? »

C’est une bonne question, non ? Élise Lucet vous propose donc de la poser à Nestlé, Michelin et Intel, en copiant-collant un message (avec le lien pour que le visuel s’affiche), ou en cliquant sur le lien proposé pour tweeter directement la question au compte officiel de l’entreprise.

« Ne laissons pas les entreprises dicter l’info »

La pétition portée par Élise Lucet vise à interpeller les citoyen•ne•s et à nous impliquer dans cette affaire qui nous concerne tou•tes : on n’est pas obligé de porter tous les journalistes en haute estime pour comprendre que leur travail est nécessaire, et qu’il est menacé par cette directive :

« Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays. Les reportages de « Cash Investigation », mais aussi d’autres émissions d’enquête, ne pourraient certainement plus être diffusés. »

Le texte de loi européen est censé protéger les secrets de fabrication des petites entreprises, mais comme le souligne la journaliste :

« Étonnamment, parmi celles qui ont été en contact très tôt avec la Commission, on ne relève pas beaucoup de petites PME, mais plutôt des multinationales rodées au lobbying : Air Liquide, Alstom, DuPont, General Electric, Intel, Michelin, Nestlé et Safran, entre autres.

Ces entreprises vont utiliser ce nouveau moyen offert sur un plateau pour faire pression et nous empêcher de sortir des affaires… »

Et elle conclut le texte de l’appel à signer la pétition par ces mots très justes :

« Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : « Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques ».

C’est pourquoi je demande, avec l’ensemble des signataires ci-dessous, la suppression de cette directive liberticide. »

Source : Madmoizelle.

Cette directive montre l'étendue du pouvoir des multinationales et de la puissance d'influence de leur lobbies sur les institutions européennes. C'est un marqueur franc montrant, une fois de plus, que l'Union Européenne n'est pas, comme le vantent les européistes de tous bords à qui veut l'entendre, une construction démocratique servant les peuples, mais bien une construction d'essence néolibérale où les puissances économiques et d'argent règnent en quasi-maîtres absolus. Il faut dire qu'ils sont largement aidés en cela par la présence à Bruxelles d'oligarques vendus et traîtres...

À voir !

Nota Bene : la pétition d'Élise Lucet, "Ne laissons pas les entreprises dicter l'info - Stop à la Directive Secret des Affaires !", est visible et signable [ici] ().



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Élise Lucet sur le plateau du Grand Journal, accompagnée d’Édouard Perrin,
journaliste pour l’émission Cash Investigation.
C’est lui qui est notamment à l’origine du documentaire sur LuxLeaks. Durée : 11:48.



 


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